27 Mai 2020
Je me suis surprise pendant le confinement à, chaque semaine, donner de l’importance à un verbe particulièrement. Chaque semaine, un autre mot devenait important et me suivait durant plusieurs jours, m’amenant à réfléchir, à philosopher, à peser l’importance de ce verbe d’action dans ma vie et dans celles de mes proches. Alors, je souhaite vous le partager, en toute simplicité.
Une des grandes sources de mes conflits familiaux était l’envie irrépressible de vouloir convaincre ! Convaincre que j’avais raison, à tout pris. Convaincre que mes actions étaient les plus efficaces, mes idées étaient les plus logiques, convaincre mes enfants qu’en tant que parent, l’expérience primant sur l’instinct, mes conclusions étaient les plus justes. Et ce mot m’est apparu alors comme une source de conflit. Pour moi, pour ceux que j’aimais, m’amenant à m’interroger sur mon besoin réel caché derrière l’envie de convaincre.
Besoin d’être reconnue, besoin d’être un modèle, besoin d’être visible. Aucun amour dans tous ces besoins. Satisfaire mon orgueil ou ma fierté doit-il primer sur l’échange, le compromis, l’acquisition de sa propre expérience et surtout sur l’amour ? Suis-je capable de différencier les moments où je veux convaincre par amour de ceux où je veux convaincre par orgueil ?
Convaincre satisfait un besoin d’être reconnu dans sa propre vérité
Notre vision des évènements est incroyablement relative. Un même évènement vécu par différentes personnes va être vu, vécu et raconté de manière différente pour chacune des personnes présentes. Si nous cherchons à convaincre, même en se fondant sur une réalité et des preuves bien tangibles, la réalité que nous proposons à l’autre ne doit-elle pas être avant tout partagée ? Si le point de départ est déjà une réalité différente entre deux personnes, alors convaincre devient un challenge perdu d’avance.
Par exemple, vous cherchez à convaincre votre enfant qu’écrire au professeur pour un devoir non rendu est une bonne idée. Votre enfant est persuadé que vous avez tord. Pourtant, vos arguments se tiennent, votre expérience (en tant qu’enfant et/ou parent d’élève) prouve que votre action est la meilleure chose à faire. Votre enfant ne cherche pas à vous contredire par pur plaisir.
Alors pourquoi n’arrivez-vous pas à le convaincre ? Se peut-il que ce soit parce que votre réalité de départ n’est pas la même ? Votre vision de l’enseignement est-il sensiblement différent ? Vous êtes probablement en bons termes, en confiance avec l’équipe éducative. Se peut-il que votre enfant en ait peur ? Ou qu’il soit persuadé, par expérience sur ses temps de classe au sujet d’autres camarades, que le professeur va le punir ? Votre vérité n’est pas la sienne. Votre vérité ne vaut pas mieux, ni pire. Elle est juste différente.
Suffit-il d’avoir raison pour convaincre ?
Alors, avoir raison est-il vraiment suffisant ? Vous me direz, tâchons de convaincre déjà sur la réalité de départ pour partir sur de bonnes bases pour la suite. Cela revient à remonter à une réalité de nouveau différente mais un cran au-dessus. Et si les deux parties ont raison, chacun à leur manière, quel est l’élément déclencheur de la conviction post discours ? L’autorité (un parent, un chef a « toujours raison »… moui, bof, pas sûr d’ailleurs), la peur, la soumission, la résignation, l’abandon de ses valeurs. Parfois, cela paie. Mais à quel prix ? Perdre ses valeurs, se laisser déposséder de cette manière n’est, à mon sens, pas une bonne manière de grandir. Ni en tant qu’employé, ni en tant qu’enfant, ni en tant que frère, sœur, ami, etc.
Parfois aussi, convaincre fonctionne dans la paix. Les arguments sont posés, sont justes, nous réalisons que la réalité de l’autre est bien différente de la nôtre et nous arrivons à rassurer. La conviction est alors transférée. L’enfant peut se laisser convaincre que votre idée est bonne, mais si vous creusez, vous vous rendrez compte qu’il a peut-être placé sa confiance en vous et non pas dans son professeur (je suis toujours dans mon exemple fictif de tout à l’heure, bien sur…). Il a peut-être toujours peur mais sait que vous serez à ses côtés si ses peurs se confirment, alors il accepte. C’est donc votre amour et la sécurité que vous proposez qui a convaincu, pas l’idée en elle-même.
Quelle autre alternative ?
Le plus difficile pour moi a été d’accepter que mes enfants devaient faire leur propre expérience. Que même si elles devaient (j’ai deux filles) se prendre le mur par entêtement, malgré mes mises en gardes non convaincantes, cela leur ferait une expérience dont elles sauront tirer une leçon. Alors que si je les avais convaincus, aucune expérience et aucune leçon. Juste de l’obéissance.
Lorsque je suis convaincante et qu’elles suivent mon conseil, c’est satisfaisant et cela fait partie aussi du processus d’apprentissage, je ne le remets pas en cause. À condition qu’elles le fassent d’elles-mêmes et qu’elles en aient été vraiment convaincues, qu’elles ne le fassent pas juste pas obéissance.
Et parfois, ne pas chercher à convaincre
Parfois, nul besoin de convaincre du tout. Les choses sont ce qu’elles sont. Par exemple en tant que parent nouvelle génération, nous avons tendance à tout justifier à nos enfants : nos décisions, nos punitions, nos règles. Justifier amène à donner des arguments et des contre-arguments pour que nos enfants nous convainquent, à leur tour, que leur idée est meilleure.
Pas de justification ? Pas d’argumentation ! « C’est comme ça » est une phrase magique pour dire que je n’ai nul besoin de me justifier et que je sais que c’est ce qu’il y a de mieux pour eux et moi dans ce cas précis. Elles ont eu du mal à comprendre et tant que je n’en abuse pas, cette phrase est assez bien respectée.
Dans certains cas, se dire que là, nul besoin de convaincre ni d'imposer. Si notre vérité nous suffit et que nous acceptons que l’autre ait la sienne, et qu’aucune de ses deux vérités n’entrent en conflit, il me semble qu’il n’est pas nécessaire de convaincre.
Et se laisser convaincre alors ?
J’aime un des accords toltèques qui dit « que ta parole soit impeccable ». Cette phrase est puissante de sens et vous le comprendrez dans l’article que j’ai écris sur ce livre merveilleux. Dans notre cas, il s’agit de faire en sorte que nos oui soient de vrais oui, pas des non déguisés. « Oui, je vais t’aider » et dans ma tête je pense « zut, j’avais un millier de trucs à faire, et je m’embête à donner un coup de main ! Il pouvait pas me le demander un autre jour ? Grrrr ». Notre parole n’est pas impeccable.
Alors se laisser convaincre signifie que l’autre avait de bons arguments, que nos valeurs n’ont pas été piétinées, que notre cœur est en accord avec la suite donnée à cette validation. Si nous suivons cette règle, cela revient aussi à apprendre à dire non. « Non, je ne suis pas d’accord » ou « non, je ne peux pas t’aider aujourd’hui mais un autre jour ». Tout un programme !
Et vous ? Qu'en pensez-vous ? Que représente ce verbe dans votre vie, dans votre quotidien. Partagez vos expériences et vos idées en commentaires !
A bientôt !